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Consciences écologiques et modes de vie auto-mobilitaires : le rapport des jeunes Shanghaïens en études supérieures à l’automobilité
Retour d'étudiant
Il y a trois ans, j’ai eu la chance de pouvoir étudier la Chine durant ma dernière année de classe préparatoire, ce dont j’ai gardé de très bons souvenirs. Les cours de géographie que je suivais cette année-là se focalisaient principalement sur une compréhension des unités urbaines du pays, thématique d’une actualité ardente en même temps que d’une grande complexité. Depuis, je n’ai cessé de m’intéresser à la Chine et à ses villes. Lorsqu’il a été question de choisir un terrain de recherche étranger où effectuer le stage de M2 inhérent à notre formation, je n’ai donc pas eu à me poser la question très longtemps. C’est avec une curiosité et un enthousiasme renouvelés que j’ai entrepris d’aller à Shanghaï, la métropole chinoise qui m’intéressait et me fascinait le plus ; à la fois par ce que j’en savais sur un plan théorique mais également par ce que j’en sentais sur le plan émotionnel. Le sujet d’études a découlé assez naturellement de mes recherches sur la ville et il reflète lui des intérêts très personnels. J’avais en effet depuis quelque temps et de façon récurrente la volonté de travailler sur la question automobile, mais je n’en avais jamais trouvé l’occasion. Or, il s’agit chez moi d’une passion tout-à-fait vivace qui perdure depuis ma plus tendre enfance : je tenais donc réellement à pouvoir allier une approche scientifique et théorique de l’automobile à ce rapport plus passionnel et immédiat qui est le mien. L’opportunité de se pencher sur le cas de l’automobile à Shanghaï s’est rapidement transformée en intérêt de recherche évident et sérieux. Effectuant un stage de recherche de 4 mois à Shanghaï entre février et juin 2019, c’est tout naturellement que j’ai construit mon sujet d’études à partir du terrain de recherche qui allait être le mien.
Au cours de ces 4 mois, j’ai été en immersion au sein d’une équipe de recherche shanghaïenne en tant que stagiaire invité de l’East China Normal University (ECNU) auprès du Géographe Ruishan Chen, spécialiste des mobilités. J’ai eu l’appui du laboratoire shanghaïen sur certaines questions théoriques et pratiques, ainsi que sur des points plus pragmatiques de ma recherche : Ruishan et son équipe m’ont régulièrement guidé et orienté sur un terrain étranger dont je ne maîtrisais en arrivant ni les codes culturels ni la langue. Les contacts que m’ont recommandés les différents membres du laboratoire ont à ce titre été d’un grand secours dans l’avancée de mes travaux. Mon stage étant formaté de façon à me laisser une grande liberté de recherche, j’ai immédiatement envisagé cette expérience comme la poursuite de la dynamique qui fut la mienne l’an dernier, sur un sujet et un terrain cependant radicalement différents : l’expérience internationale a été un point tout-à-fait central de ma démarche de M2. Notamment parce qu’elle représentait pour moi l’occasion de s’ouvrir à des cadres de formation et méthodologiques très différents en Chine de ce que j’avais connu en France. J’ai alors pu d’une certaine façon et à un certain niveau confronter le champs des études urbaines françaises à ce qui se pratique en Chine. Je souhaitais, en me rendant à Shanghaï et en travaillant sur un sujet d’études plus purement spatial que celui qui m’a occupé en M1, parfaire mes capacités de recherche en sciences sociales en me confrontant cette fois-ci plus frontalement à un terrain spatial et en abordant de nouvelles méthodologies, afin d’être au mieux préparer à affronter l’épreuve de la réalisation d’une thèse, que j’appelle de mes vœux !
Mon séjour à Shanghaï s'est très bien déroulé. J'ai pu mener mes recherches documentaires et pratiques de façon autonome et avec une grande liberté, tout en bénéficiant de mon rattachement à l'ECNU sur des questions de méthode et de conduite d'entretien. J'ai ainsi pu me consacrer entièrement à mon mémoire de recherche, en faisant de mon stage de recherche un outil à disposition de mon sujet. Se confronter à un terrain étranger et totalement nouveau était à la fois stimulant et déstabilisant : sur ce point peut-être qu'un encadrement un peu plus serré de la part des directeur.rices en France serait à envisager (je dis ça pour les futurs M2 qui partiront à l'étranger : on peut vite avoir l'impression d'être perdu mais l'on peut aussi se perdre sans en avoir l'impression...). Cependant, c'était une grande chance que de pouvoir aller faire mes recherches à Shanghaï, et je remercie encore l'Ecole urbaine d'avoir rendu possibles ces 5 mois fantastiques.
Au cours de ces 4 mois, j’ai été en immersion au sein d’une équipe de recherche shanghaïenne en tant que stagiaire invité de l’East China Normal University (ECNU) auprès du Géographe Ruishan Chen, spécialiste des mobilités. J’ai eu l’appui du laboratoire shanghaïen sur certaines questions théoriques et pratiques, ainsi que sur des points plus pragmatiques de ma recherche : Ruishan et son équipe m’ont régulièrement guidé et orienté sur un terrain étranger dont je ne maîtrisais en arrivant ni les codes culturels ni la langue. Les contacts que m’ont recommandés les différents membres du laboratoire ont à ce titre été d’un grand secours dans l’avancée de mes travaux. Mon stage étant formaté de façon à me laisser une grande liberté de recherche, j’ai immédiatement envisagé cette expérience comme la poursuite de la dynamique qui fut la mienne l’an dernier, sur un sujet et un terrain cependant radicalement différents : l’expérience internationale a été un point tout-à-fait central de ma démarche de M2. Notamment parce qu’elle représentait pour moi l’occasion de s’ouvrir à des cadres de formation et méthodologiques très différents en Chine de ce que j’avais connu en France. J’ai alors pu d’une certaine façon et à un certain niveau confronter le champs des études urbaines françaises à ce qui se pratique en Chine. Je souhaitais, en me rendant à Shanghaï et en travaillant sur un sujet d’études plus purement spatial que celui qui m’a occupé en M1, parfaire mes capacités de recherche en sciences sociales en me confrontant cette fois-ci plus frontalement à un terrain spatial et en abordant de nouvelles méthodologies, afin d’être au mieux préparer à affronter l’épreuve de la réalisation d’une thèse, que j’appelle de mes vœux !
Mon séjour à Shanghaï s'est très bien déroulé. J'ai pu mener mes recherches documentaires et pratiques de façon autonome et avec une grande liberté, tout en bénéficiant de mon rattachement à l'ECNU sur des questions de méthode et de conduite d'entretien. J'ai ainsi pu me consacrer entièrement à mon mémoire de recherche, en faisant de mon stage de recherche un outil à disposition de mon sujet. Se confronter à un terrain étranger et totalement nouveau était à la fois stimulant et déstabilisant : sur ce point peut-être qu'un encadrement un peu plus serré de la part des directeur.rices en France serait à envisager (je dis ça pour les futurs M2 qui partiront à l'étranger : on peut vite avoir l'impression d'être perdu mais l'on peut aussi se perdre sans en avoir l'impression...). Cependant, c'était une grande chance que de pouvoir aller faire mes recherches à Shanghaï, et je remercie encore l'Ecole urbaine d'avoir rendu possibles ces 5 mois fantastiques.
Robin LURET
Plus d'information sur mon projet de stage
Restitution
Résumé de mémoire
Comme le suggère la citation de Roland Barthes, l’automobile constitue avant tout un objet symbolique, à la manière des « grandes cathédrales gothiques » dans une autre mesure et pour un autre temps. Barthes envisage en effet cette dimension symbolique comme appartenant radicalement à une période historique : l’automobile comme les cathédrales gothiques sont des « création(s) d’époque » en ce que leur portée symbolique et interprétative ne s’actualise qu’au sein d’une époque historique donnée. L’automobile serait ainsi un reflet suggestif de notre époque. Cependant, à l’heure où nos sociétés notamment urbaines évoluent à un rythme perçu comme toujours plus rapide et où les progrès technologiques démodent d’autant plus les prouesses de la décennie d’avant, l’automobile peut-elle toujours se faire le symbole de notre époque ? Les lignes de Barthes sont écrites à la fin des années 1960, à l’occasion d’un commentaire fait par l’auteur de l’effet qu’a suscité en 1955 la présentation de la Citroën DS au Salon automobile de Paris. Et elles sont écrites en Europe, continent qui inventa effectivement l’automobile dans sa forme moderne. La situation a toutefois bien changé et il semble aujourd'hui que de tels qualificatifs ne pourraient plus s’appliquer à l’automobile sans appeler à une critique du passéisme ni à susciter quelques commentaires moqueurs. Pourtant, les mots de Barthes ont toujours un sens et une pertinence, ailleurs, en Chine par exemple : dès mes premiers jours de présence à Shanghaï, j’ai été frappé de constater à quel point le rapport à l’automobile est emprunt d’éléments concourant à faire de la voiture un objet moderne. L’automobile symbolise à ce titre fort bien à elle toute seule l’émergence puis l’affirmation économiques de la Chine depuis les années 1980. Elle est alors véritablement devenue une « création d’époque », création car en se diffusant en Chine, elle a fini par en adopter certaines des aspérités locales et certains des codes culturels. Etudier l’automobile en Chine amène dont à manier des temporalités extrêmement particulières qui obligent à décentrer le regard de son référentiel habituel classique, occidentalo-centré : elle reste un objet très récent et contemporain de la Chine urbaine.
Barthes écrit ensuite que l’automobile se « consomm(e) dans son image, sinon dans son usage ». Cette articulation entre la portée symbolique et le caractère instrumental de l’objet automobile nous intéresse beaucoup : l’automobile est au sens premier un moyen de déplacement, c’est-à-dire qu’elle admet ainsi une dimension rationnelle et instrumentale d’objet rendant possible et amplifiant la mobilité. Il y a donc à considérer des usages mobilitaires et des usagers, autrement dit des individus se servant de l’automobile parce qu’elle est un moyen de déplacement efficient leur donnant accès à d’autres spatialité : on a ici à faire à une consommation instrumentale de l’automobile. Cependant, Barthes montre bien que l’automobile est irréductible à cette seule dimension : l’automobile est aussi et surtout plébiscitée pour ce à quoi elle renvoie, à la manière des grandes cathédrales gothiques. L’utilisation du verbe consommer est à ce titre très intéressante en ce qu’elle sous-entend alors la présence de consommateurs, c’est-à-dire qu’elle met en jeu des actions visant à tirer profit de cette dimension instrumentale ; mais elle est également très intéressante en ce qu’elle tend presque à matérialiser sa dimension symbolique : l’automobile est une image, mais une image que l’on consomme, collectivement, une sorte d’image tangible et concrète aux significations connues.
Tout cela nous met effectivement sur la piste très féconde des représentations culturelles et symboliques de l’automobile, qui a véritablement guidé ce mémoire de recherche. Barthes parle même « d’objet parfaitement magique », ce faisant il associe rapidement la caractéristique rationnelle de l’instrumentalité à une caractéristique beaucoup plus surréelle et mystérieuse de la phénoménalité de l’automobile : il suggère ainsi que l’automobile possède comme un pouvoir attractif de suggestion qui échappe précisément à toute tentative de rationalisation. Le terme magique, qui appartient au champ des représentations et des mythologies, tend à présenter l’automobile comme une entité : il s’agit d’un objet physique, solide, ayant une emprise spatiale que l’on peut quantifier, mais dont les propriétés majeures ont en fait trait au domaine du symbolique. L’image constitue ainsi le coeur conceptuel du travail effectué par Barthes dans les Mythologies, perspective dont nous nous sommes inspiré : nous avons voulu avant toute chose décrire et expliquer les imaginaires et les représentations de l’automobile constatées à Shanghaï. Or, c’est bien à ce type de rapport normalisé que Barthes fait allusion lorsqu’il écrit « par un peuple entier » : tout cela est extrêmement contextuel et ne peut se comprendre que dans le cadre d’un rapport situé, celui qu’une population spécifique entretient à l’automobile. C’est ce que nous avons eu l’ambition de faire à Shanghaï au sein de la population étudiante comme nous allons l’expliciter et le justifier : l’étude des représentations s’insérant au sein d’un rapport normalisé à l’automobile en tant qu’il s’inscrit lui-même dans une société donnée, ici shanghaïenne ; d’où l’intérêt d’en étudier les caractéristiques.

Comme le suggère la citation de Roland Barthes, l’automobile constitue avant tout un objet symbolique, à la manière des « grandes cathédrales gothiques » dans une autre mesure et pour un autre temps. Barthes envisage en effet cette dimension symbolique comme appartenant radicalement à une période historique : l’automobile comme les cathédrales gothiques sont des « création(s) d’époque » en ce que leur portée symbolique et interprétative ne s’actualise qu’au sein d’une époque historique donnée. L’automobile serait ainsi un reflet suggestif de notre époque. Cependant, à l’heure où nos sociétés notamment urbaines évoluent à un rythme perçu comme toujours plus rapide et où les progrès technologiques démodent d’autant plus les prouesses de la décennie d’avant, l’automobile peut-elle toujours se faire le symbole de notre époque ? Les lignes de Barthes sont écrites à la fin des années 1960, à l’occasion d’un commentaire fait par l’auteur de l’effet qu’a suscité en 1955 la présentation de la Citroën DS au Salon automobile de Paris. Et elles sont écrites en Europe, continent qui inventa effectivement l’automobile dans sa forme moderne. La situation a toutefois bien changé et il semble aujourd'hui que de tels qualificatifs ne pourraient plus s’appliquer à l’automobile sans appeler à une critique du passéisme ni à susciter quelques commentaires moqueurs. Pourtant, les mots de Barthes ont toujours un sens et une pertinence, ailleurs, en Chine par exemple : dès mes premiers jours de présence à Shanghaï, j’ai été frappé de constater à quel point le rapport à l’automobile est emprunt d’éléments concourant à faire de la voiture un objet moderne. L’automobile symbolise à ce titre fort bien à elle toute seule l’émergence puis l’affirmation économiques de la Chine depuis les années 1980. Elle est alors véritablement devenue une « création d’époque », création car en se diffusant en Chine, elle a fini par en adopter certaines des aspérités locales et certains des codes culturels. Etudier l’automobile en Chine amène dont à manier des temporalités extrêmement particulières qui obligent à décentrer le regard de son référentiel habituel classique, occidentalo-centré : elle reste un objet très récent et contemporain de la Chine urbaine.
Barthes écrit ensuite que l’automobile se « consomm(e) dans son image, sinon dans son usage ». Cette articulation entre la portée symbolique et le caractère instrumental de l’objet automobile nous intéresse beaucoup : l’automobile est au sens premier un moyen de déplacement, c’est-à-dire qu’elle admet ainsi une dimension rationnelle et instrumentale d’objet rendant possible et amplifiant la mobilité. Il y a donc à considérer des usages mobilitaires et des usagers, autrement dit des individus se servant de l’automobile parce qu’elle est un moyen de déplacement efficient leur donnant accès à d’autres spatialité : on a ici à faire à une consommation instrumentale de l’automobile. Cependant, Barthes montre bien que l’automobile est irréductible à cette seule dimension : l’automobile est aussi et surtout plébiscitée pour ce à quoi elle renvoie, à la manière des grandes cathédrales gothiques. L’utilisation du verbe consommer est à ce titre très intéressante en ce qu’elle sous-entend alors la présence de consommateurs, c’est-à-dire qu’elle met en jeu des actions visant à tirer profit de cette dimension instrumentale ; mais elle est également très intéressante en ce qu’elle tend presque à matérialiser sa dimension symbolique : l’automobile est une image, mais une image que l’on consomme, collectivement, une sorte d’image tangible et concrète aux significations connues.
Tout cela nous met effectivement sur la piste très féconde des représentations culturelles et symboliques de l’automobile, qui a véritablement guidé ce mémoire de recherche. Barthes parle même « d’objet parfaitement magique », ce faisant il associe rapidement la caractéristique rationnelle de l’instrumentalité à une caractéristique beaucoup plus surréelle et mystérieuse de la phénoménalité de l’automobile : il suggère ainsi que l’automobile possède comme un pouvoir attractif de suggestion qui échappe précisément à toute tentative de rationalisation. Le terme magique, qui appartient au champ des représentations et des mythologies, tend à présenter l’automobile comme une entité : il s’agit d’un objet physique, solide, ayant une emprise spatiale que l’on peut quantifier, mais dont les propriétés majeures ont en fait trait au domaine du symbolique. L’image constitue ainsi le coeur conceptuel du travail effectué par Barthes dans les Mythologies, perspective dont nous nous sommes inspiré : nous avons voulu avant toute chose décrire et expliquer les imaginaires et les représentations de l’automobile constatées à Shanghaï. Or, c’est bien à ce type de rapport normalisé que Barthes fait allusion lorsqu’il écrit « par un peuple entier » : tout cela est extrêmement contextuel et ne peut se comprendre que dans le cadre d’un rapport situé, celui qu’une population spécifique entretient à l’automobile. C’est ce que nous avons eu l’ambition de faire à Shanghaï au sein de la population étudiante comme nous allons l’expliciter et le justifier : l’étude des représentations s’insérant au sein d’un rapport normalisé à l’automobile en tant qu’il s’inscrit lui-même dans une société donnée, ici shanghaïenne ; d’où l’intérêt d’en étudier les caractéristiques.